Une
collection pour quoi ?
Pour
donner vie à des livres, des romans dans un premier temps (mais peut-être aussi des nouvelles, ou même de la
poésie) qui n’ont pas eu la chance de trouver un éditeur jusqu’alors.
Malgré
la profusion des maisons d’édition il ne fait aucun doute que de nombreuses
œuvres échappent à la sagacité des éditeurs, notre volonté nous poussera à
découvrir quelques-uns de ces textes et à les faire émerger pour un public le
plus large possible.
Pour
prendre des risques et affirmer une certaine vision de la littérature, à la
fois hors des sentiers battus et hors de l’expérimentation pure. Une vision
nourrie d’influences multiples et qui n’exclura pas une certaine
diversité.
Pas
pour créer une entreprise marchande de plus, destinée à enrichir qui que ce
soit, mais pour tenter de partager nos coups de cœur avec un public curieux.
Quel
type de livres ?
Des
livres qui ne se livrent pas immédiatement, qui demandent un effort, dont la
forme, sans être totalement expérimentale, sans être illisible surtout, demande
une attention soutenue et l’envie d’aller voir plus loin, de ne pas s’arrêter à
la première difficulté. Des livres à l’écriture affirmée, au style personnel,
revendiqué et assumé.
Des livres pour quoi
dire ?
Pas
de thème imposé, pas de genre imposé mais la nécessité que les textes racontent
quelque chose, qu’ils proposent une vision, une perception, des émotions,
qu’ils puissent susciter la réflexion, qu’ils emportent leurs lecteurs dans un
monde où les mots ont tout leur sens.
« tu
écris des livres que personne ne lit, des livres qui te brûlent les mains, les
brûlures dessèchent les pages qu'on peut arracher en les tirant avec deux
doigts seulement comme des lambeaux sur un corps écorché, tu écris des livres
dans lesquels personne excepté toi ne trouve de prises auxquelles s'agripper,
et toi-même, à vrai dire, ne cesses de glisser sur les parois abruptes de ces
histoires, de ces bribes, on dirait comme un champ de ressacs surgissant des
profondeurs d'un glacier, des masses grises et gelées affleurant dans le plus
grand désordre, le genre d'endroit où l'on ne manque pas de se perdre, qui
semble fait tout exprès pour qu'on s'y perde
(…) voilà le monde dans lequel on essaie de vivre et d'écrire, on attend
d'un écrivain qu'il vous donne une raison de vivre, des recettes pour le
bonheur, l'éloge de la vertu, du courage, de l'abnégation, les inepties
délivrées par pelletées dans les rayons des librairies ésotériques et
psychologiques ne suffisent pas aux lecteurs, il faudrait que les écrivains
s'emploient à répandre la bonne parole, à dispenser la pensée positive, la
religion ne séduit plus grand monde, il faudrait que la littérature prenne le
relais, contribue à la vaste supercherie visant à noyer l'humanité sous un déluge
de mièvrerie, du bonheur à peu de frais, le bonheur réduit à la vague sensation
d'un mieux-être, des consolations de nurseries, on voudrait que la littérature
se contente de procurer une sensation de bien-être, ça se lit bien, sans
effort, on se sent mieux après qu'on l'a lu, lire consolide la foi en
l'humanité (…) ces livres demandent des lecteurs exigeants, à la hauteur, les
autres lecteurs se sentent agressés, et ils ont bien raison, tel est en partie
le but de ces livres, la bonne littérature devrait se fixer pour but de mettre
à l'épreuve le contentement bourgeois, c'est ce que je pense maintenant, elle
devrait vous forcer à voir et à entendre ce que vous préféreriez ne pas voir et
ne pas entendre, (…) j'écris précisément pour déprimer des lecteurs comme vous,
j'écris pour emmerder le bourgeois, lui pourrir ses nuits, mettre à l'épreuve
sa bonne conscience, lui asséner cette partie de l'humanité qu'il refoule,
l'empêcher de jouir en paix de sa bonne fortune, voilà une des raisons pour
lesquelles j'écris des choses si déprimantes, si dénuées d'espérance, voilà la
raison pour laquelle le personnage central de mon livre, le seul personnage
d'ailleurs, apparaît exagérément déprimé »
extraits de Un débarras de Dana
Hilliot.